Mémoires et thèses

Interroger l'intensité

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TitreInterroger l'intensité
Type de publicationLivre
Année de publication1999
Auteur·e·sLouise Warren
Nombre de pages192
ÉditeurTrois
VilleLaval
ISBN978-2-89295-244-5
Résumé
Résumé descriptif:
 
Divisé en deux parties, Interroger l’intensité donne à lire les mouvements de l’écriture à travers une série d’essais qui témoignent du cheminement de Louise Warren dans sa pratique et dans son travail d’atelier. Dans la première partie, dont le titre est éponyme à celui de l’ouvrage, l’auteure tente de définir ce qu’est l’intensité en regard de son travail créateur et de sa perception de la poésie. Pour elle, «l’intensité fait appel à un niveau d’activité qui dépasse la mesure ordinaire, autant par augmentation que par diminution» (p. 26). En ce sens, l’intensité doit être perçue comme une descente, comme une chute, voire éprouver le créateur par et dans la chute afin de l’inscrire dans un rapport de saisissement et de dessaisissement devant l’œuvre. Le dessaisissement se traduisant pour l’auteure par «cet état de réceptivité intense où l’on est hors de soi tout en ayant conscience que l’on touche au plus près de soi» (p. 100).
 
Dans la seconde partie, «Ateliers», Warren met à l’épreuve sa propre définition de l’intensité en regard d’œuvres de plusieurs artistes. En quelque sorte, elle interroge le mouvement qu’est «cette descente et cette remontée qui donnent forme à une œuvre» (p. 28) à travers des modes d’expression qui vont de la poésie à la photographie en passant par la peinture, la lecture, la danse, la sculpture et les collections d’objets. Plus encore, elle porte un regard sur ces œuvres qui non seulement rend lisible l’expérience de l’intensité, mais qui s’invente également à chaque fois, différent. Ce regard, par la proximité qu’il entretient avec les œuvres, interroge l’espace de la création : «le temps de la répétition, le travail d’écriture, l’expérience de lecture» (p. 12). S’il conduit à une plus grande réceptivité, le regard permet aussi d’accueillir en soi la sensation, de faire émerger sa propre voix des profondeurs.
 
Résumé interprétatif:
 
Une image a accompagné Louise Warren tout au long de son rituel d’écriture et de sa réflexion sur l’intensité, celle de Virginia Woolf s’enfonçant dans l’Ouse, les poches remplies de galets. Elle écrit : «c’est cette femme que je regardais avancer dans l’eau, souveraine, sans remonter le tissu de sa jupe vers elle. Je la vois encore : elle entre, elle marche, elle glisse et je la suis.» (p. 32) Cette image préfigure déjà tous les enjeux abordés par Warren, dans Interroger l’intensité : la chute, la descente, la mort et le vide. Par le thème de l’eau, l’auteure évoque également la descente inscrite dans le mouvement de l’écriture poétique, une descente à la recherche de sa propre voix. Elle demande aux poètes, Plath, Hébert, Michaux ou Ponge, entre autres, de justement la mener «au-dessous de la langue, à la rencontre de [la] sienne» (p. 40), cette voix qu’elle entend venir de l’eau et qui ne lui apparaîtra que par l’expérience des profondeurs.
 
En cela, l’intensité correspond pour Warren non seulement à une quête de langage et de sens, mais également aux mouvements de l’écriture, à «ces jeux d’équilibre et de déséquilibre qui créent le rythme» (p. 28). En d’autres termes, c’est par l’intensité que Warren questionne sa propre voix poétique, l’écriture ainsi que des modes d’expression telles la peinture, la photographie, la danse et la sculpture. Selon Deleuze, «la plupart des auteurs qui se sont confrontés à ce problème de l’intensité dans la sensation semblent avoir rencontré cette même réponse : la différence d’intensité s’éprouve dans une chute» (p. 27). Toutefois, cette chute n’implique pas tant, pour l’auteure, une descente qu’«une traversée de l’air, de l’espace, de la couleur ou, pour l’écriture de [son recueil] Noyée quelques secondes, de l’eau»(p. 28). Dans la chute, c’est tout le corps qui est mis à l’épreuve, qui doit entrer dans le noir de l’écriture afin de pénétrer le regard de l’autre et de s’ouvrir un espace de fiction. 
 
Aussi, lorsque Warren dit des sculptures d’Alberto Giacometti, debout, droites, filiformes et les bras pendus au corps, qu’elles «traversent l’espace telle une chute» (p. 27), c’est tout le rapport à l’écriture qu’elle questionne à travers la sensation, l’étonnement, l’immobilité et la crise. Pour elle, la chute correspond au saisissement et au dessaisissement créateur, à l’intensité «d’une réceptivité qui permet de recevoir le tremblement, l’inquiétude, la tension préalable à l’écriture» (p. 75). De fait, non seulement la chute participe du saisissement-dessaisissement dans le travail d’atelier de Louise Warren, mais elle est également à comprendre comme un passage vers la sensation, pour reprendre une expression de Deleuze, comme une marche, une avancée dans l’espace du poème.
 
Enfin, si le thème de l’eau permet à Louise Warren d’explorer de nouveaux territoires, entre la surface et la profondeur, la noyade et le reflet, il la conduit avant tout à la question de la voix, de la matière. Pour elle, l’image du lac s’est trouvée là pour faire entendre «cette bouche ouverte au fond de l’eau, [...] cette voix souterraine» (p. 32) à laquelle elle tente de donner vie. C’est cette voix , dans son poème Noyée quelques secondes, qu’elle donne à lire, cette voix qu’elle sculpte et invente à travers le langage poétique. Ainsi, c’est par l’expérience des profondeurs que l’auteure s’intéresse à l’eau, «à sa matière énigmatique et fuyante» (p. 28), son immensité. Et l’eau du lac n’est pas un espace ouvert, mais un «lieu limité, enveloppant et secret» (p. 36), donnant accès aux mouvements de l’écriture poétique, à son rythme, son souffle.
 

Source : Interligne - UQÀM (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)

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