L’amour du nom. Essai sur le lyrisme et la lyrique amoureuse

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TitreL’amour du nom. Essai sur le lyrisme et la lyrique amoureuse
Type de publicationLivre
Année de publication1997
Auteur·e·sMartine Broda
CollectionEn lisant en écrivant
Nombre de pages262
ÉditeurLibrairie José Corti
VilleParis
Résumé

Résumé descriptif:

Martine Broda tente, dans cet essai, de réhabiliter la poésie lyrique en s’attachant à démontrer qu’elle ne se réduit pas à une expression exaltée du moi, mais qu’elle rend compte, non d’un «sujet plein, mais [d’]un sujet évidé par l’expérience du manque» (p. 90). Ainsi, le lyrisme soulève d’abord la question du désir, «par lequel le sujet accède à son manque à être fondamental» (p. 31). En cela, l’auteure dégage, par sa lecture de certains troubadours et de poètes comme Pétrarque, Aragon, Tsvétaïeva, Rilke et Baudelaire, l’essentiel de l’aventure du désir et du langage tout en étudiant la place de l’amour dans la poésie. 
 
Rappelons que dans la tradition lyrique, les œuvres s’inspiraient généralement d’une figure féminine inaccessible, mais aussi —et surtout— de son nom, le plus souvent inventé ou tiré de la mythologie : Béatrice pour Dante, Délie pour Scève, Aurélia pour Nerval et Hélène pour Jouve. Remontant par la poésie arabe et l’élégie romaine jusqu’aux origines du lyrisme, Broda articule sa réflexion autour de cet «amour du nom», cette adresse à l’Autre, à la Chose, à l’indicible. Dans cette conception toute lacanienne de la jouissance, «[c]’est le nom qui soutient le désir pur. Sans cette inscription signifiante, autour de laquelle l’écriture amoureuse se déploie, il serait pur désir de rien» (p. 38). 
 
Mais avec Rilke, le sujet délaisse l’objet du désir, au sens restreint du terme, pour élire plutôt le monde comme objet suprême, suivant une idéalisation du nom qui atteint au sublime, à l’amour absolu. La poésie lyrique prend alors une valeur unique où «[l]a célébration lyrique semble consécutive à une épiphanie : en dernière instance celle de la Chose, les retrouvailles avec elle signant une jouissance impossible, sinon sur le mode hallucinatoire, dans l’écriture comme dans la folie» (p. 252). Chanter la beauté du monde, sa présence et sa finitude, passe ainsi par ce que Broda nomme le haut lyrisme, ouverture au Grand Tout, au sens religieux et métaphysique.
 
Résumé interprétatif: 
 
Soumise à une interdiction secrète, la poésie lyrique est pourtant, selon une expression de Pierre-Jean Jouve, vouée «comme l’amour» à renaître toujours. Or, si Martine Broda cherche à réhabiliter le lyrisme, forme de poésie d’amour, c’est en ce que «[l]oin de toute fadeur sentimentale, [il] demeure, dans sa plus haute exigence, une façon d’affronter la condition humaine, et l’énigme même du désir» (p. 259). En proposant ainsi une étude approfondie de la tension qui existe entre le désir de l’écrivain et son objet, Broda convoque la conception lacanienne du désir et de sa sublimation qui «élève l’objet à la dignité de la Chose» (p. 217) : «La Chose comme cœur vide et noir du désir de la représentation, comme sans-nom autour duquel se tisse toute opération symbolisante» (p. 214). Aussi, c’est de cette écriture qu’il est question dans L’amour du nom. 
 
Dès le premier chapitre, Broda réexamine la place du lyrisme —voire son discrédit— au sein de la théorie des genres. Selon elle, en opposant sans trop de nuances le monologisme du poème au dialogisme de la prose, Bakhtine porterait peut-être la responsabilité de ce rejet. Mais il faudrait remonter jusqu’au romantisme allemand pour retracer l’origine d’une réduction du lyrisme à une exaltation du moi, ainsi que l’a démontré Gérard Genette dans Introduction à l’architexte (Paris, Seuil, 1979). Et pourtant Hölderlin, Nietzsche, Rilke et plus tard Benjamin situent clairement, chacun à leur manière, le lyrisme dans le dessaisissement qui conduit à l’œuvre. Le moi qui entre ici en jeu tend au renoncement et, à ce titre, le poète lyrique se rapprocherait des mystiques par le déplacement qu’il effectue entre l’indicible du désir, du manque, et l’écriture qui lui permet de se le réapproprier : «En s’affrontant à la Chose d’où procède le désir comme irreprésentable, la lyrique amoureuse s’accorde à la vocation la plus profonde du genre lyrique, qui est de s’articuler à la question du sublime» (p. 103). Dans le discours, un double glissement s’est donc opéré, du désir du poète à la sublimation du renoncement, de l’objet de son désir à l’objet de son chant. 
 
«Il reste à mettre en évidence l’impossible qui hante cet amour dont parlent les poèmes, par où le sujet accède à la dépossession.» (p. 29) Car le lyrisme est invocation, réponse au manque par l’écriture. Le nom donné à la Dame, issu d’une profonde nostalgie, des troubadours à Baudelaire, mettrait donc en évidence ce manque, cet impossible et, mis à la place de l’objet du désir, générerait l’œuvre. La Délie de Scève, l’Aurélia de Nerval, la «Jolie morte» de Jouve, l’Elsa d’Aragon et la Béatrice de Dante : autant de femmes à la fois dépersonnalisées et idéalisées par l’écriture. Comme dans les théologies négatives, «ce qui est visé, c’est [...] le trou du Symbolique» (p. 101-102). 
 
Avec sa conception de «l’amour intransitif», seul capable d’effectuer le dépassement et la traversée de l’objet, c’est en fin de compte Rainer Maria Rilke qui formulerait le mieux cette poétique. Par l’«amour d’un sujet aux limites elles-mêmes abolies qui, laissant derrière lui l’objet limité, élit finalement pour son objet le monde» (p. 213), le poème devient, chez Rilke, célébration, épiphanie et transfiguration. Langue d’amour, le lyrisme se déploie en effet dans la poésie amoureuse et se lie par une infinie réversibilité à l’amour de la langue, grâce auquel se conçoit «la transformation intégrale du monde en splendeur» (Rilke).

Source : Interligne - UQÀM (http://www.interligne.uqam.ca/pages/liste_biblio.asp)